Au premier abord, Mashvisor est un des milliers de sites internet spécialisés dans l’immobilier américain. Mais il a une spécificité, indétectable pour ses clients : ses concepteurs l’ont créé en Cisjordanie et c’est du territoire palestinien occupé par Israël qu’ils fournissent leurs services.
"Ce qui est génial avec les start-up, c’est qu’on peut travailler de n’importe où", explique à l’AFP Peter Abou al-Zolof, qui a fondé Mashvisor il y a plus d’un an avec son ami Mohammed Jabrini.
"On peut être en Palestine, au Cambodge, au Vietnam ou en Chine (...) La seule chose dont on a besoin, c’est d’un ordinateur connecté à internet", lance-t-il, enthousiaste.
Travailler en Cisjordanie occupée ne va pas sans désagrément, mais rien ne peut arrêter les deux amis, selon lui.
En octobre 2015, alors qu’Israéliens et Palestiniens s’engageaient dans un nouveau cycle de violences, Mohammed Jabrini, s’est retrouvé bloqué dans sa ville de Hébron, encerclée par les Israéliens, distante de 45 kilomètres de Ramallah où sont installés les bureaux de Mashvisor.
"Il était coincé à Hébron, moi à Ramallah, mais on ne s’est pas arrêté de travailler", raconte M. Abou al-Zolof, Américano-Palestinien rentré il y a peu vivre en Cisjordanie où les check-points israéliens quadrillent le territoire et rallongent, voire empêchent, des trajets même courts.
’Faire du profit’
Avec le virtuel, il n’y a "ni murs ni check-points", et personne ne peut vous dire "’Vous ne pouvez pas vendre ceci’ ou ’Vous ne pouvez pas sortir ceci du pays’", dit M. Abou al-Zolof.
Avant de percer, ces jeunes entrepreneurs ont débuté chez Leaders, un incubateur d’entreprises à Ramallah. Comme dans la Silicon Valley, près de San Francisco, on s’y habille "casual", on boit du café à longueur de journée et on porte autour du cou d’imposants écouteurs venus des Etats-Unis.
Shadi Atshan dirige Leaders et, pour lui, les start-up sont aussi une solution pour une jeunesse qui représente le gros des 27% de chômeurs dans les Territoires palestiniens.
"C’est un marché qui se développe rapidement et surtout, sur ce marché, il n’y a pas de chômage contrairement aux autres", dit-il. "Dans les start-up, si tu as de bonnes compétences, tu peux faire du profit, et même du très gros profit", assure-t-il.
Encore faut-il trouver une mise de départ. Mais comme le secteur est en plein boom dans les Territoires occupés, des hommes d’affaires palestiniens y investissent des millions, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Il y a deux ans encore, ces placements semblaient aventureux.
Investisseurs au rendez-vous
Le fonds d’investissements Ibtikar a pris le risque. Selon Ambar Amleh, directrice exécutive, ce fonds alimenté par des businessmen palestiniens a déjà investi 800.000 dollars (750.000 euros) dans dix start-up.
Les Palestiniens sont encore loin des Israéliens, qui se surnomment la "nation start-up". Eux, selon Mme Amleh, ont bénéficié d’"investissements et d’un immense soutien de l’Etat", ce qui n’est pas le cas dans les Territoires occupés où le secteur prend encore son essor.
Ambar Amleh place la barre haut. L’objectif, assure-t-elle, est de générer en moins de cinq ans "des dizaines de millions de dollars". "Cela va changer la façon dont les gens voient l’entrepreneuriat et créer des vocations", veut-elle croire. Car, "pour le moment, les gens se disent que c’est un énorme risque : quitter un emploi et un salaire stables pour un projet qui peut marcher ou échouer".
Créer une start-up "n’a rien à voir avec ce qui est fait ailleurs en Palestine", dit-elle.
Les entraves liées à l’occupation, Hussein Nasser-Eddin et Leïla Aqel, en ont fait le point de départ de leur idée.
Ensemble, ils ont créé Redcrow, un site internet qu’ils gèrent dans leur bureau à Ramallah. De là, ils surveillent les incidents et les violences rapportés à travers Israël et la Cisjordanie, qu’ils répertorient et répercutent à leurs clients.
Parmi leurs abonnés figurent des agences onusiennes, des diplomates ou des organisations qui ajustent leurs programmes de sécurité en fonction des événements. Les deux Palestiniens espèrent à présent exporter leur savoir-faire et couvrir les marchés égyptien et irakien.